Francesca { v o c a l s }

Duecentodieci… Duecentoventi… Duecentotrenta… Troppo veloce ! Giro ! Giro !

Puis… black out. Ces mots résonnaient encore dans sa tête. Un violent accident, lors d’une course de rue à Roma, avait coûté la vie au fils du chef du gang pour qui elle courait.
Morte aussi, la caisse … une Ferrari … ça tient pas la route ces machins-là.

Tout ça l’avait conduit à fuir son Italie la nuit suivante. Par chance, ses anciens employeurs étaient trop occupés à faire leur deuil, la vendetta serait pour plus tard…

Elle s’était dégoté une planque bien loin de tout ça, où elle servait des pintes huit heures par jour, des fois plus, dans un bar quelconque, dans un patelin paumé sur la côte. Mais pas la côte qui s’enivre tous les soirs au champagne, non, plutôt la côte où compte les jours de soleil sur les doigts d’une main.

Le patron ne posait aucune question et elle réécrivait son histoire, entre amertume et nostalgie, reniant ses souvenirs pour son salut. Pas facile de trouver le sommeil. Tout lui manquait de son ancienne vie. Sa famille, ses amis, la course, l’adrénaline… la vitesse !
Mais si elle remettait un pied là dedans, les mafiosi lui tomberaient dessus.

Alors elle n’y pensa plus et reprit sa vie, sa nouvelle vie. Un soir qu’elle briquait son comptoir avant de fermer, ses yeux se posèrent sur la gazette du coin, abandonnée là par un client.
Le vieux canard titrait :
“Grave accident lors d’une course sur le circuit de l’Enfer“
Intriguée, elle commença à parcourir l’article. Il décrivait la course, illégale, de nuit, la puissance monstrueuse des moteurs, la folie de ces pilotes. Et puis l’accident, on en savait peu, forcément, mais le pilote était reparti entre quatre planches.
Une photo sombre et floue, volée le soir du drame, accompagnait l’article. On pouvait voir ce qui restait d’une magnifique Fastback noire.

Il y eu dans sa tête comme un déclic. Une évidence qui s’imposait à elle sans qu’elle eût pu y changer quoi que ce soit.

“Je dois aller là-bas“.

Sur ce, elle tire les clés de la camionnette du patron, rassemble un baluchon avec ses souvenirs et prend la route dans un nuage de gasoil, direction le circuit automobile de l’Enfer.
Deux jours plus tard, elle arriva. Ce n’était pas comme elle l’imaginait. Une foule immense colonisait les abords du circuit, car c’était jour de course. Dans cette effervescence, elle se faufila dans la fourmilière pour discrètement rejoindre le quartier des écuries.
Personne ne la remarqua observer les différents garages, remontant la voie des stands en s’imprégnant à nouveau de l’odeur d’essence et de gomme qui lui manquait depuis tellement longtemps.

Soudain, elle se retrouva face à elle.
La Mustang Fastback qui avait tout déclenché en elle. Hypnotisée, elle s’avança vers elle et en fit le tour, laissant courir ses doigts le long des lignes du capot en remontant vers l’habitacle. Elle ressentait chaque courbure, chaque blessure, chaque victoire …

“T’as mis du temps, mais j’étais sûr que tu viendrais !“

Cette phrase la fit sursauter. Une casquette vissée sur la tête, le type souriait.

“Vas voir ce qu’elle a dans le ventre“ dit-il en lui lançant la clé.

Elle s’installa dans le baquet, démarra, puis pensa :

Duecentodieci… Duecentoventi… Duecentotrenta…