Lui il a toujours été là.
D’aussi loin que j’me souvienne, je l’ai toujours vu là derrière, dans l’ombre, invisible, à l’affût;
jamais trop proche de la lumière, jamais bien loin quand même.
Son histoire à lui, personne la connaît, ou alors, c’est pas la vraie. Faut vous dire qu’il à tendance à raconter ce qu’il veut, ce qui lui vient, il est comme ça Peter.
Y’en a qui ont cru à son histoire d’ancien de la Légion, de quand on lui donnait des ordres et qu’il y allait. Mais lui il aime pas ça les ordres et on lui aurait botté le cul pour ça.
D’autres ont cru le récit de sa jeunesse à Belfast, à péter des genoux de patrons de bars pour un gang de bootleggers local.
Y’en à encore qui, … bon bref, entre nous je suis pas sûr de vouloir connaître tous les détails.
Je sais pas ce qu’il foutait là ce jour là, le jour de l’accident, mais il était là.
Au dessus du circuit le ciel était de plomb, et à l’horizon c’était pire. Le vent froid avait ramené la pluie, qui tombait en grosses cordes sur le bitume fumant, et sur nos gueules figées de terreur, de rage et d’amertume;
notre Fastback reposait dans le bac à graviers, sur le toit, brisée, sans vie.
Fin de la course, game over quoi.
C’est à ce moment-là que l’équipe a éclaté. Et quand les pisse-froids se sont barrés il a bien fallu faire le compte. Ca sentait la mort et le mieux c’était de l’accepter.
Lui, il était dans son coin, invisible, à nous observer refaire le match.
C’est là qu’il a débarqué les paluches pleines de pintes.
On a pas mis longtemps à comprendre que le gonze avait autre chose en tête que de chiquer des roteuses sur la tombe de la Fastback.
« Il nous faut des gars » il a dit. “Il nous faut les meilleurs, et je les connais ».
Son cuir usé à grincé quand il a levé son coude pour vider sa chope, dans le silence absolu qui avait suivi ses paroles. Puis j’ai souris.
“Comment tu t’appelle l’ami ?”
“Moi c’est Peter”.